Les mots comme "terroriste" ont du sens, et leur usage doit être analysé comme un symptôme. Parfois comme un signal faible: au Mali, toute la stratégie des faucons de Bamako a consisté à amalgamer la rébellion touarègue aux mouvements terroristes dans le but de profiter de la lutte anti-terroriste pour mater une rébellion que le Mali n'a jamais pu résoudre politiquement depuis des décennies. Cela a mené au remplacement de Barkhane par les mercenaires de Wagner1 , qui eux acceptent de réprimer militairement les touaregs, et massacrent les civils: c'est finalement ce qui est en train de se réaliser avec l'offensive en cours des FAMA et de Wagner vers Kidal.

Aujourd'hui, avec l'attaque terroriste du Hamas, la situation est inversée. En France, les médias se sont focalisés sur les responsables politiques de LFI qui refusent de qualifier le Hamas de mouvement terroriste, mais cette posture n'est pas isolée: Pierre Barbancey a ainsi publié plusieurs articles sur cette attaque2 , où les terroristes du Hamas sont systématiquement qualifiés de "combattants palestiniens". Le choix de ces mots n'est pas innocent. Lors des votes de l'ONU devant condamner l'invasion russe de l'Ukraine, des cartes ont révélé la répartition internationale des postures face à la tentative d'annexion russe. Aujourd'hui, des cartes similaires3 montrent les postures des États face au Hamas: schématiquement, l'occident et l'Inde ont condamné le Hamas et soutiennent Israël, l'Eurasie et la majorité de l'Amérique du sud ont appelé à la désescalade, le croissant chiite et des pays comme l'Algérie, le  Soudan ou le Venezuela soutiennent le Hamas, et la majeure partie de l'Afrique ne réagit pas.

Henry Kissinger a proposé une analyse prenant en compte la dimension perception4 , estimant que le Hamas ciblait les opinions arabes, et cherchait à construire une coalition arabe et à l'entrainer dans le confit, donc à sortir d'une logique de règlement non militaire. Il est possible de proposer une analyse plus large, prenant en compte les perceptions à l'échelle globale. Conceptuellement, au lieu de considérer une situation globale composée d'acteurs et de prescrire une évolution, il est intéressant de considérer Israël, et l'ensemble des perceptions que les autres acteurs en ont, ce qui est en quelque sorte orthogonal à la notion cindynique de situation: cette vue, ou situation orthogonale, peut être décrite comme une image, constituée d'une image réelle: comment chaque acteur voit Israël, et d'une image idéale: l'estimation par chaque acteur de ce que devrait être Israël. On peut alors faire l'hypothèse que le Hamas et son commanditaire iranien ont en réalité pour cible principale cette image, à l'échelle globale.

L'objectif de la barbarie du Hamas serait ainsi d'exploiter le facteur psycho-affectif et émotionnel d'Israël pour pousser Tsahal à une réaction extrême, et provoquer des dommages collatéraux sur les populations civiles utilisées comme bouclier à Gaza. La communauté internationale condamnerait ces actions, ce qui affaiblirait Israël et minimiserait sa place dans une solution à deux États. De façon plus limitée, l'impact sur les perceptions des populations arabes pourrait provoquer une augmentation du rejet d'une solution à deux États.  En terme d'image cindynique, le procédé global de manipulation des perceptions consiste à modifier l'image réelle de l'État israélien en provoquant des dommages collatéraux, pour modifier son image idéale et favoriser une pression de transformation globale à son encontre.