Georges-Yves Kervern envisageait le Néo-situationnisme comme un projet d’interface philosophique entre Cindyniques et Développement Durable. Avec le développement des Cindyniques Relativisées et la prise en compte formelle des conflits, les Cindyniques ont dépassé le simple domaine des risques, et l’extension de leur portée à celui des conflits rejoint le dépassement du domaine militaire par les nouvelles doctrines stratégiques, telle que l’ultraguerre combinée de Qiao et Wang, ou les guerres hybrides, qui dissolvent la frontière entre guerre et paix, et mènent à des opérations de guerre informationnelle ciblant les populations.

La méthode cindynique permet l’analyse stratégique et la conduite opérationnelle de transformations, afin de réduire la vulnérabilité d’une situation ou la conflictualité d’un ensemble de situations relatives – ou spectre de situations – où coexistent des volontés de transformation antagoniques. Un ensemble de spectre relatifs, constituant une matrice, permet de gérer les situations où la dynamique de perception des puissances joue un rôle déterminant, par exemple lors des coups d’État, ou lors de mobilisations. Ces trois noyaux de modélisation – situation, spectre, matrice – sont conçus pour être opérés facilement, et transversalement. Mais derrière ces modèles se trouve une pensée stratégique, orientée action : le Néo-situationnisme.

Axiologiquement, cette pensée repose sur des valeurs universelles : le respect de la vie et de l’environnement, et plus largement, l’ensemble des valeurs de la déclaration universelle des droits de l’homme, ce qui détermine un vaste domaine d’intervention : réduction des conflits, et prévention des risques menaçant l’homme, l’environnement, et les droits fondamentaux, notamment les risques et menaces générés par l’innovation et les usages émergents, y-compris dans la sphère informationnelle ou immatérielle.

L’ontologie néo-situationniste considère donc les notions de danger et de menace, dérivant de comportements humains, et construit des modèles actionnables permettant la réduction des vulnérabilités et conflictualités. Cette approche n’est pas tout à fait prescriptive puisqu’elle se contente de proposer aux acteurs des outils leur permettant de co-prescrire et co-opérer les transformations qu’ils estiment adaptées.

L’épistémologie néo-situationniste est doublement constructiviste, puisque reposant sur la construction de descriptions de construits sociaux, avec la méthode de conceptualisation relativisée (MCR) conçue par Mioara Mugur-Schächter. Cette méthode est phénoménologique en ce sens qu’elle prend fondamentalement en compte le rôle de l’observateur dans la description d’un phénomène, ce qui a été déterminant dans la relativisation de la notion de situation, et la construction des notions de spectre et de matrice.

La logique néo-situationniste est une logique transversale, orthogonale aux approches cartésiennes divisant des problèmes indissociables, qui est imposée par la complexité des situations réelles, où les problématiques de risque, conflit, et développement sont indissociables : cela a mené à concevoir les noyaux de modélisations comme un langage commun permettant des actions transdisciplinaires, trans-culturelles et trans-sectorielles, donc une meilleure efficience opérationnelle face à la complexité. Pour autant, les acteurs peuvent étendre ce langage avec MCR pour une meilleure adaptation à des situations spécifiques, ce qui augmente l’efficience, et évite les postures positivistes.

Méthodologiquement, l’approche néo-situationniste est propensionniste, puisque les approches fréquentielles ne sont pas adaptées aux situations réelles concernées : un exemple est l’échec des approches macro-quantitatives utilisées pour la prédiction des coups d’État. Par ailleurs, la notion de maîtrise des propensions est un concept central des Cindyniques, directement inspiré par le concept clé de l’Art de la guerre.

Le Néo-situationnisme lie la notion situationniste de spectacle à la notion de spectre, considéré comme ce que perçoit un acteur : d’autres acteurs, des intentions, et des rapports de force, soit un ensemble de situations relatives. Le spectre perçu par cet acteur spectateur devient un spectacle dès que cette perception est ciblée par une opération de manipulation, et un ensemble de spectres perçus par différents acteurs, i.e. une matrice, devient un ensemble de spectacles. Un objectif fondamental du Néo-situationnisme est l’émancipation : par le démantèlement de ces spectacles, et la déconstruction des manipulations des perceptions utilisant les cerveaux humains comme un champ de bataille informationnel.

Pour approfondir

 

COHET, Pascal. Neosituationism : The Underlying Thinking of Relativized Cindynics
From Situation to Matrix : A Manifesto for Emancipation and the Mastery of Changes

COHET, Pascal. Cindynics essentials for coders and power users
MRC as a Description-Oriented Language