Dans un ouvrage consacré aux ambigüités du terme résilience1 ,2 , Magali Reghezza-Zitt et Samuel Rufat notent que ce terme, initialement utilisé dans les domaines de la physique, de l’écologie ou de la psychologie, s'est popularisé dans le domaine de la gestion des risques et des catastrophes. Dans un chapitre consacré à la "Critique de la résilience pure", Samuel Rufat critique le concept de résilience utilisé dans le domaine des risques et catastropohes, en particulier pour sa capacité d'incitation au socio-darwinisme. Alors qu'ils reconnaissent que la paternité du terme Cindynique revient à Georges-Yves Kervern, Reghezza-Zitt et Rufat tentent d'élargir le sens de ce terme pour y amasser toutes les approches scientifiques abordant des problématiques de danger, tout en passant sous silence la définition précise de la résilience au sens cindynique donnée par Georges-Yves Kervern alors que cette définition s'oppose frontalement au socio-darwinisme. Cela appelle quelques rappels ou rectifications:

Au sens cindynique la vulnérabilité d'une situation (regroupant un ensemble d'acteurs concernés par cette situation sur un horizon spatio-temporel donné) est sa propension à générer des dommages, et la résilience d'une situation est l'inverse de sa vulnérabilité. Dès lors, s'il y a un dommage, la situation n'était pas résiliente. Reghezza-Zitt et Rufat notent que la résilience n'est pas ce qui protège des menaces et blessures, mais ce qui évite l'effondrement3 : dans cette conception, une situation est considérée comme résiliente même s'il y a un dommage.

Exemple: un village est innondé et il y a un mort, puis les habitants réparent les dégâts et reprennent leurs activités: au sens noté par  Reghezza-Zitt et Rufat cette situation était résiliente. Au sens cindynique, il y a un mort : la situation n'était pas résiliente.

Samuel Rufat4 , 5 présente la résilience comme supposant qu'en cas de crise, les plus faibles peuvent disparaître pourvu que les survivants tirent les leçons de la crise et cherchent à s'y adapter: en cela, la résilience porterait les graines du socio-darwinisme. Les Cindyniques sont frontalement opposées à une telle conception de la résilience: dès qu'il y a un dommage, par définition, la situation n'était pas résiliente6 , puisque la  résilience est précisément définie comme l'inverse de la propension de la situation à générer des dommages.

Samuel Rufat oppose des aspects de la vulnérabilité, qui supposerait une démarche collective en amont des crises à ceux de la résilience, qui relèverait d'une démarche individuelle en aval des crises. Pour sa part, la démarche cindynique tire évidemment les leçons des retours d'expérience, mais a pour but premier la prévention, qui en pratique nécessite une action quotidienne d'attrition des vulnérabilités qui précisément permet de forger les résiliences. Forger les résiliences est exactement synonyme de réduire les vulnérabilités.

S'agissant de l'aspect individuel dénoncé par Samuel Rufat, il faut bien noter que la résilience au sens cindynique est la résilience d'une situation, et que cette situation englobe  tous les acteurs concernés par un danger. De ce fait, les Cindyniques interdisent en particulier les manoeuvres dénoncées par Sandrine Revet7 telles que celles qui consisteraient à occulter les responsabiltés politiques8 d'un pouvoir central envers une population. Vis à vis de l'individualisme, après avoir attiré l'attention sur "les limites de la transformation miraculeuse du vice individuel en vertu collective", Georges-Yves Kervern9 affirmait on ne peut plus clairement qu' "en matière cindynique, le vice ne produit pas le bien collectif".

Plus généralement, les Cindyniques sont justement formellement opposées à ce que Samuel Rufat dénonce dans sa "Critique de la résilience pure" au sujet de la résilience telle qu'elle serait conçue par des acteurs non cindyniciens.

1 REGHEZZA-ZITT, Magali et RUFAT, Samuel. Resilience Imperative: Uncertainty, Risks and Disasters. ISTE Press Ltd - Elsevier Inc, 14 septembre 2015.
2 REGHEZZA-ZITT, Magali et RUFAT, Samuel. Résiliences: Sociétés et territoires face à l’incertitude, aux risques et aux catastrophes. ISTE Group, 1 mars 2015.
3 "Resilience refers to both the ability to absorb and digest the rolls of the die and the ability to always rise up again from one’s ashes. To a certain degree, it makes whatever or whomever that presents it invulnerable, not because it protects from threats or injuries, but because it prevents collapse. It facilitates the overcoming of damage and disaster, through a return to a “normal” situation
REGHEZZA-ZITT, Magali et RUFAT, Samuel. Resilience Imperative: Uncertainty, Risks and Disasters. ISTE Press Ltd - Elsevier Inc, 14 septembre 2015.
4 RUFAT, Samuel. Critique of Pure Resilience. Dans : REGHEZZA-ZITT, Magali et RUFAT, Samuel (dir.), Resilience Imperative: Uncertainty, Risks and Disasters. ISTE Press Ltd - Elsevier Inc, 14 septembre 2015
5 RUFAT, Samuel. Critique de la résilience pure  juillet 2011. Disponible à l’adresse : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00693162
6 il est important de remarquer que du point de vue des cindyniques, s’il y a matérialisation d’un risque, c’est à dire survenue d’un dommage, c’est que la situation n’était pas résiliente : il s’agit alors d’un échec de la prévention (...). Accroître la résilience cindynique d’une situation vise à la ‘prévention de la survenue d’un dommage’, et non au renforcement d’une ‘capacité à réparer un dommage survenu ’ ”
COHET, Pascal. Disparités de perception et divergences prospectives : prévention et résolution de conflits, maîtrise des risques, et développement. IFREI, mai  2013.
7 REVET, Sandrine. Penser et affronter les désastres : un panorama des recherches en sciences sociales et des politiques internationales. Critique internationale. Août 2011, Vol. n° 52, no 3, p. 157‑173
8 "La vulnérabilité, au sens cindynique, est la vulnérabilité d’une situation de danger considérée, et non la vulnérabilité « d’un acteur ». De fait, cette approche systémique permet d’éviter, comme le mentionne Sandrine Revet, la possibilité d’« occulter les facteurs sociaux ainsi que les responsabilités publiques et politiques ». Si la cible d’un danger est un acteur facilement identifiable, Georges-Yves Kervern précise explicitement que pour les cindyniques c’est la situation -donc dans sa totalité- qui est la source du danger."
COHET, Pascal. Disparités de perception et divergences prospectives : prévention et résolution de conflits, maîtrise des risques, et développement. IFREI, mai  2013.
9 KERVERN, Georges-Yves. Eléments fondamentaux des Cindyniques. Paris : Economica, 1995.